Dans la fraîcheur de l’aube, nous prenons place dans le 4x4 d’Alvaro, qui sera notre guide/chauffeur/cuisinier pour les quatre prochains jours. Avec lui, nous traverserons des déserts où la route ne tolère pas l’amateurisme ni la fantaisie. Bonne musique, bonne ambiance !

Le village de Colchani nous attend en bordure du Salar. Ici on exploite … le sel, sous toutes ses formes : blocs pour les animaux, en grain pour la cuisine locale, en poudre pour les touristes et l’export, en sculpture pour les souvenirs un peu kitsch… petite démonstration des méthodes de transformation du produit, marché à poupouilles et autre artisanat plus local.

Nous pénétrons sur le territoire du plus grand désert salé au monde, les roues dans l’eau. C’est la fin de la saison des pluies. Etendue blanche à perte de vue, géométrie parfaite où le ciel se reflète dans un miroir horizontal géant. La saumure au sol rend l’excursion agressive pour le moteur et les organes électriques de notre véhicule. Nous entamons une slow croisière sur l’étendue désertique immaculée. Le GPS et le chuffeur connaissent bien la route, invisible à nos yeux ! Nous roulons sur une croûte de sel qui flotte sur un lac !

Sur notre ligne d’horizon, les allées et venues des camions qui charrient le condiment précieux. Première halte pour découvrir ce qu’on appelle los ojos del salar : petits geysers d’eau qui entretiennent la légende de Tunupa :

Aux temps jadis, les volcans de l’Altiplano se déplaçaient pour se rencontrer et discuter longuement. Dans cette région désertique, à 4000 mètres d’altitude, il n’y avait qu’un seul volcan féminin: la Tunupa. Tous ses voisins volcans  l’aimaient.

La Tunupa tomba enceinte, elle accoucha d’un bébé volcan sans savoir qui était le père. Tous voulaient être le père du nouveau-né. Ils se battirent toute la nuit et enlevèrent l’enfant volcan à sa mère pour le cacher à Colchani.

Pour les punir, les dieux se mirent en colère et retirèrent aux volcans le droit de se déplacer, de parler et de se rencontrer.

Depuis ce jour là, la Tunupa qui nourrissait son enfant et le chérissait de tout son coeur se vit immobilie, incapable de le rechercher. Muette dans sa douleur, elle ne sait pas qu’à Colchani, un petit volcan tout semblable à elle, se lamente seul, aux abords du village.

Alors, elle pleure, son lait se répand sur la terre aride devenue blanche et toute salée de larmes de la Tunupa… Ainsi naquit le grand Ténéré blanc, le Salar de Uyuni.

Quelques chiffres : 12 000 km2, 3 680 m d’altitude, 150 km de long, 10 000 millions de tonnes de sel, 11 couches de sel différentes posées sur le lac Minchin. Se cache sous le Salar l’équivalent de la moitié des réserves mondiales exploitables de lithium, ce métal indispensable aujourd’hui à la fabrication de nos batteries, de tous nos précieux téléphones par exemple…

Les boliviens sauront-ils résister longtemps au chant des sirènes multinationales et préserver ce fabuleux trésor de la nature ? Nous osons l’espérer.

Retour dans le Nissan Patrol, c’est l’heure du déjeuner, direction l’hôtel de sel. Le Paris Dakar (aujourd’hui Dakar) est passé là en 2018. Ca restera une expérience unique, vue la corrosion un peu trop agressive pour les bolides participant au célèbre rallye…

Alors que nous prenons quelques clichés au Palais des Vents (monticule de sel orné de tous les drapeaux laissés par les visiteurs passés ici), nous choisissons notre bleu blanc rouge et entamons une petite marseillaise sous les couleurs !

Pendant ce temps, Alvaro nous a dressé une table digne d’un festin, concocté par son épouse, Madame Alvaro ! Assis sur des blocs de sel, la table est en sel, les murs sont en sel, seules les assiettes sont en faïence et les plats délicieux, salés, mais pas trop !

Après ce copieux repas et une bonne discussion mi-anglais, mi-espagnol, nous embarquons pour la partie fun de la journée : la séance shooting made in Uyuni. Perspectives rigolotes, sur fond blanc sans tâche, le lama de Juliette se transforme en monture folklorique, un dinosaure nous attaque, nous devenons géant ou lilliputien !

Sur le chemin du retour vers la terre ferme, Agnès a envie de s’offrir un deuxième tour de Salar, pour y rechercher son bien le plus précieux (après ses filles, son conjoint, sa famille, ses amis, le chat, etc…), on nommera son téléphone !

Après trente minutes de route salée, nous arrivons sur les lieux de notre déjeuner … pour rien : l’appareil est introuvable.

Résignés, bredouilles, après une fouille en règle du 4x4, nous repartons au bout d’un détour d’une heure : la note est salée et la mère amère (désolée, c’était facile !)

Lors d’un arrêt essence en ville, nous essayons une dernière fois de faire sonner ce fichu téléphone et là «Ô miracle d’Uyuni !», la sonnerie familière retentit depuis l’intérieur du soufflet du levier de vitesse où il était tombé ! On peut reprendre notre tour du monde l’esprit léger…