Nous débarquons au petit matin dans la brume fraîche et humide du quai de Lao Cai. Il sera cinq heures lorsque, de là, nous prendrons un van qui nous déposera, au bout de quelques lacets et paysages montagneux, dans la petite ville de Sapa.

Loin de l’effervescence de Hanoï, près de la frontière chinoise, la cité de 9000 habitants attire les trekkers, elle est joliment entourée de rizières en terrasse et de reliefs verdoyants. Quelques villages aux habitations typiques des différentes ethnies présentes ici sont éparpillés sur les collines qui l’entourent.

Après ces dernières semaines de chaleur extrême, nous apprécions les températures plus «à la française », on dira même «collection été Haut Doubs», les quelque 20 degrés ambiants nous changent des 40 degrés tropicaux de la Thaïlande….
On arrive dans une brume bien épaisse ; le chauffeur nous indique le lac de la ville : on devine plus qu’on ne voit les berges du plan d’eau. On quitte la cité pour s’engager cahin-caha sur un chemin de terre bien défoncé par les pluies et les travaux en cours depuis plusieurs années. Au bout d’une longue demi-heure de descente chaotique, nous voici enfin arrivés au beau milieu des rizières. Notre hôtel est entouré de cultures en terrasse : magnifique ! Les water buffalos paissent dans les champs de riz, les paysans et leur chapeau vietnamien conique ont le dos courbé, les canards barbotent dans les terrasses inondées, fraîchement labourées.

On prend un petit déjeuner simple et savoureux, la famille qui nous accueille est particulièrement aux petits soins. Duc et son épouse Chris s’occupent de tout : les repas, les cottages, les balades, on se laisse glisser, pour une fois ! On a même droit à une présentation de tissus et bijoux artisanaux par une voisine. Les femmes utilisent la technique du batik pour teindre les étoffes dans le village. La petite localité au milieu des montagnes et des rizières invite à la promenade : nous partons tous les quatre, en compagnie de plusieurs guides. En fait de guides, ce sont des marchandes colporteuses qui proposent des articles d’artisanat local tout en cheminant avec nous sur les routes de campagne. C’est notre première expérience de «walk and shop» ! Et de trois guides, nous passerons bientôt à cinq et croiserons même d’autres marchandes tout aussi souriantes, voilà une coutume très locale !

Le soir, nous remonterons par les mêmes trous et bosses pour rejoindre Sapa et déguster quelques spécialités locales alors qu’il tombe des trombes d’eau : on amène sur la table tout le nécessaire à la fabrication de nems maison : papier de riz, légumes, boeuf, champignons, germes de soja et salade verte… Après une petite démo, nous cuisinons vietnamien. Miam !

Le lendemain, les villages de différentes ethnies sont au programme. Le Vietnam en compte 54 officiellement : hmongs, dao, taï, etc avec chacune ses spécificités culturelles et ses traditions, métiers, habitat, etc.

Nous arrivons au village de Ta Van à 8 km de Sapa. Vivent ici une quarantaine de familles de l’ethnie Giay qui vivent principalement de la culture en rizières inondées. Les deux côtés du village sont recouverts de champs de riz, les ruelles sont charmantes et nous nous promenons toujours avec des guides de-ci de-là. Un arrêt dans une boutique d’indigo pour découvrir les jolies créations des femmes du village : sacs en toile, rideaux brodés, trousses et nappes aux motifs traditionnels. Tout ce qu’aime Agnès…

Nous reprenons la route pour rejoindre Ta Phin, un autre hameau un plus bas dans la montagne, hameau de Daos rouges et de Hmongs. Les femmes s’adonnent ici à la fabrication de tissu et se transmettent un savoir ancestral quant aux processus de tissage, de teinture et de broderie. Nous visitons un atelier et assistons à une démonstration de création de motifs batiks grâce à l’application de cire et au trempage dans un bain d’indigo (nous avons d’ailleurs vu ce matin les plantes utilisées pour obtenir cette couleur bleu marine si typique de l’ethnie Hmong).

Juste à côté nous attend un repas simple : nous déjeunons avec plaisir dans un cadre exceptionnel : vue sur les rizières qui déroulent leur tapis vert juste en dessous de nous. Margaux et Agnès quittent la table pour une excursion sur les sentiers qui bordent les cultures de riz. Les villageois nous regardent en riant, le paysage est unique.

Nous quittons la campagne pour rejoindre une dernière fois Sapa. Il fait gris et humide, une petite bruine nous chatouille le nez alors que nous buvons un café aux oeufs sur une terrasse. Le marché propose tout un étalage de tripoux : langues de boeuf, foies de veau, pattes de poule et autres cauchemars du végétarien… ça ne sent pas franchement bon… Nous achetons de quoi faire des sandwichs car le bus de nuit nous attend bientôt. Et le bus de nuit, c’est l’aventure !

Justement, nous voici prêts dans la gare routière. Nous avons pris de l’avance et sommes presque les premiers sur place : seuls trois jeunes allemands nous ont précédés. Lorsque nous entrons dans le car, nous découvrons un drôle d’intérieur : pas de sièges mais trois rangées de couchettes superposées. On comprend difficilement mais on finit par entendre qu’on doit enlever nos chaussures avant d’entrer : les passages entre les rangées sont aménagés avec des sortes de matelas, comme dans une salle de gym… Là, on comprend aussi qu’il n’y a pas de toilettes, on remet tous nos chaussures pour ressortir pour une pause pipi. et avaler nos sandwichs sur le parking : interdit de manger à l’intérieur…

On rigole avec les allemands de cette façon spéciale que le chauffeur et son acolyte nous expliquent les choses, en nous gueulant dessus dans une langue qui doit être entre l’anglais et le vietnamien, on ne sait pas dire… on s’installe dans les espèces de barquettes, un peu comme des cercueils inclinés en plastique ! On est tous un peu trop grands ou sont-ce les barquettes qui sont trop petites ? On finit par s’installer tant bien que mal, alors que la foule de passagers débarquent en nombre dans le véhicule : pas beaucoup de place pour nos sacs à dos et la valise d’insuline et autre matériel médical de Juliette… Encore quelques coups de gueule du chef de bord, et le bus s’ébranle, à l’heure ! Nous roulons depuis quelques minutes à peine quand nous marquons un arrêt improbable, non officiel a priori, pour charger quelques locaux qui s’allongent dans les allées… Le surbooking au marché noir n’est pas une légende mais une pratique sûrement très lucrative ! On s’arrêtera encore plusieurs fois dans la nuit pour charger et décharger ces passagers clandestins… Vers minuit, tout le monde dort ou en tout cas essaye de dormir, et là, toutes les lumières s’allument, le bus s’arrête et le chef de bord hurle «TOILET !». Au moins, tous ceux qui dormaient à poings fermés sont informés !

Allez, nous repartons de plus belle et arriverons tous sans encombre au bord de la mer de Chine dans la fameuse Baie d’Halong. Le bus monte sur le ferry et traverse ainsi jusqu’à l’Ile de Catba où nous passerons les prochains jours.

Finalement, à choisir, on aura largement préféré les trains-couchette aux bus de nuit !

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