Aujourd’hui, nous nous immergeons dans le petit village de Patabamba perché loin de tout à plus de 4000 mètres. Même si les mobiles ont fait leur apparition ici, les villageois y vivent comme au début du siècle passé, dans des maisons faites d’adobe : terre mélangée à de la paille, briques séchées au soleil. Les troupeaux de moutons animent les rues, guidés par leur berger.

Petit quiproquo quand notre guide José Luis réalise qu’on ne nous attendait que le lendemain…

Pas de panique, le village se met en action pour préparer la journée avec ces trois touristes français inopinés…

Rosalia, Anastasia et Sabina se mettent en quatre pour les préparatifs de la pachamanca. mais qu’est donc la pachamanca ? C’est un festin qui est cuisiné pour les mariages ou les anniversaires. C’est un terme quechua (dans les campagnes comme ici à Patabamba, le quechua est la langue utilisée depuis toujours. Nous n’en comprenons pas un traitre mot ! Pacha veut dire «la terre» et manca la «casserole». Dans le jardin, on construit un four artisanal fait de pierres savamment empilées en forme de dôme et on y allume un bon feu de bois.

Au bout de deux heures, une fois les pierres bien chaudes, on défait l’assemblage, On enlève le bois et les braises. On alterne une couche de pierres chaudes, une couche de papas (pomme de terre), une couche de pierres, une couche de viande (mouton, poulet), une couche de pierres, une couche de légumes (maïs, patates douces, bananes).

On recouvre le tout d’une bonne touffe d’herbe, d’une bâche de papier naturel et de pelletées de terre pour une cuisson à l’étouffée plutôt rustique mais terriblement efficace. Etape cruciale pour la réussite de la recette, je suis désignée marraine du plat et on m’invite à déposer sur le tout un petit assemblage de fleurs du jardin en forme de croix.

Pendant que les cailloux mijotent, Rosalia nous offre un maté de coca (boisson traditionnelle qui te permet de mieux résister aux effets de l’altitude, sorte de Redbull énergisant inca à base de feuilles de coca).

Quarante minutes de cuisson plus tard, il est temps de sortir les aliments de «la casserole de terre». Les trois femmes en jupes colorées s’activent en riant autour de l’âtre. Elles saisissent les pierres brûlantes à mains nues qu’elles rafraîchissent dans une cuvette d’eau fraîche. En moins de 5 minutes, tous les aliments cuits sont étalés dans des plats ou des paniers. Tout le monde à table ! Nous entrons dans la petite cuisine au sol de terre battue, les trois petites mamies nous servent à table mais elles s’installent sur des petits tabourets devant l’évier et mangent presque par terre, l’assiette sur les genoux ou plutôt les différents jupons qui constituent leur costume.

Elles discutent en riant beaucoup et nous ne captons rien à la langue quechua qu’elles utilisent entre elles. Heureusement, elles communiquent avec nous en espagnol, ce qui est tout de même plus simple !

Le repas est délicieux. C’est un menu habituellement réservé aux fêtes. D’ailleurs, nous portons des costumes traditionnels du dimanche pour être totalement dans l’ambiance. Christophe porte un poncho du plus bel effet. Quant à Juliette, elle arbore une jupe ample et multicolore, ce qui ne lui était pas arrivé depuis au moins cinq ans !

L’après-midi, nous participons aux ateliers de démonstration : préparation de la laine de mouton . Coupe, nettoyage, lessivage avec un détergent qui est une racine de plante locale, filage, teinture à base de produits naturels ramassés dans la région (cochenille pour le violet, mélangé avec du soufre qui est extrait des thermes de Lares pour le rouge, et bien sûr tissage. Les couleurs obtenues sont très belles, à la fois vives et naturelles. Elles résisteront aux lessives.
Tous ces savoirs ancestraux seraient perdus si de tels échanges avec les touristes ne pouvaient se faire. Nous sommes ravis de cet échange direct, authentique et simple.

Nous percevons l’émotion et la générosité qui animent ces trois femmes, plus particulièrement au moment de notre départ. Chacune nous remercie chaleureusement pour cette journée partagée avec elles, la rencontre de deux mondes si différents, leur volonté de conserver leur savoir-faire ancestral et de le faire valoir avec fierté. Tout ça pour deux bonnes raisons : faire vivre la communauté dans ce village haut perché et conserver leurs traditions d’une façon nouvelle en développant un tourisme responsable.

Une belle rencontre qu’on gardera longtemps dans nos coeurs.

Nous redescendons en direction de la Vallée Sacrée. Sur la route, un arrêt mémorable dans un élevage de lamas.

Notre guide nous y invite à prendre quelques fagots d’herbe fraîche et les distribuer aux troupeaux qui nous attendent. Enchantée de pouvoir approcher des alpagas, Agnès qui veut partager équitablement le fourrage refuse de re-servir l’un d’entre eux, très insistant. Un duel les yeux dans les yeux s’engage, l’animal sans préavis, envoie un crachat bien senti au visage de celle-ci, scotchée de tant d’insolence !

Ce n’est donc pas une légende, le lama et son cousin alpaga crachent et en plus leur salive pue le vomi ! Le duel ne s’arrête pas là : la bestiole ressert un deuxième glaviot pire encore !

Tout le monde rigole bien, y compris l’effronté lama !