Depuis Sucre et sa douceur de vivre, nous prenons la route pour Potosi, ville minière au passé douloureux.

Les paysages dans les vitres du bus sont merveilleusement colorés : ocres rouges de l’Altiplano, verts émeraude des pâturages où les troupeaux de lamas paissent impassibles. Nous traversons la Vallée des Cactus aux nombreux végétaux piquants et exotiques : une route sympathique, bonne ambiance dans le car : nous profitons tous de la playlist latino d’un de nos voisins passagers. A fond les watts !

Première déception à notre arrivée dans Potosi : le petit hôtel qui nous accueille a certainement été une auberge respectable mais dans d’autres temps…

Nous quittons rapidement notre chambre un peu miteuse pour découvrir au matin et par nous-mêmes cette célèbre ville coloniale. Elle fut au XVIIème siècle la plus riche du monde ! Le Cerro Rico y fut exploité par les conquistadores qui y firent extraire des millions de tonnes d’argent. L’histoire dit qu’on aurait pu construire un pont entre la Bolivie et l’Espagne avec le précieux métal alors extrait ici, tout ça au prix de plus de trois millions de vies quechuas ou africaines. On dirait que la ville respire encore cette tragédie. Nous n’apprécierons pas l’atmosphère qui règne ici.

Les ruelles aux trottoirs très très étroits et envahis par les fumées noires des gaz d’échappement des bus d’un autre âge ne sont pas très praticables pour Juliette. Nous nous lançons tout de même dans la visite de la fameuse mine, visite sujet à controverse chez les voyageurs : faut-il boycotter, faut-il visiter ? Certains pensent que c’est cautionner que de découvrir les conditions de travail des mineurs. Nous pensons que voir et parler de la situation de ces gens qui travaillent dur et sont fiers de leur activité ne peut pas leur nuire. Leur apporter quelques produits utiles ne peut que les aider.

Des coopératives locales exploitent aujourd’hui les filons de cuivre et d’étain, l’argent a quasi disparu.

Notre guide nous emmène dans un vestiaire pour enfiler nos tenues de travail : veste, pantalon, bottes, casque, sac et lampe frontale. Premier arrêt à la coopérative pour acheter quelques produits pour les mineurs : feuilles de coca, soda, bâtons de dynamite, etc. On fait l’impasse sur le tord-boyau que beaucoup des travailleurs boivent pour rester le plus longtemps sous terre.

On nous dépose à l’entrée de la mine. Quelques groupes se préparent en mâchant plusieurs dizaines de feuilles de coca dénervées (sorte de chique qui les aidera à lutter contre la fatigue et la faim).

Il est temps d’allumer nos lampes frontales. L’entrée est étroite et permet le passage de petits hommes. Nous avançons tous les quatre courbés, sur les rails, dans le noir, nos petites lumières pour nous guider dans le boyau étriqué.

Premier arrêt pour saluer El Tio, c’est le dieu protecteur des mineurs, inventé par les conquistadores jadis : sorte de statue qui tient davantage de l’épouvantail au grand zizi que d’une divinité des profondeurs…

Autour de lui, des cotillons, des paquets de cigarettes, des canettes de bière vides, des feuilles de coca, des photos de femmes dénudées : offrandes déposées ici pour provoquer la chance et une bonne extraction de minerais.

Pas très à l’aise, on avance jusqu’au premier puits. On ne descendra pas plus loin. On ne se risquera pas non plus sur une échelle pas forcément fiable…

Il fait bon sortir à l’air libre pour découvrir comment le minerai sort en wagonnets poussés par les ouvriers. A l’époque, le traitement était fait sur place, aujourd’hui, de gros camions les transportent à l’usine à l’extérieur de la ville. La pollution est bien visible : des montagnes de déchets marquent le paysage, certains datant de l’époque de la colonisation. La rivière ne charrie plus beaucoup d’eau propre, …, triste environnement.

Nous continuons notre excursion en retournant au centre ville pour y visiter la Casa de la Moneda (maison de la monnaie). Inaugurée en 1573, c’est ici qu’étaient frappées les monnaies européennes, durant les quatre derniers siècles. On reconnaît les pièces de Potosi grâce à leur poinçon «PTS».

Ici travaillaient de nombreux quechuas puis des esclaves noirs furent déportés ici pour le travail pénible de laminage, avec les mules, dans une atmosphère étouffante. La plupart moururent à la tâche ou, plus encore pour les africains, de maladie. L’altitude était également un facteur qui n’aidait pas ces derniers à s’acclimater à ces conditions inhumaines.

Le lendemain, nous quittons Potosi et son histoire douloureuse, un dernier regard pour le triste Cerro Rico et la rivière jonchée de déchets, pour rejoindre un des endroits les plus visités de Bolivie : le fabuleux salar d’Uyuni.